Parcelle
Je me souviens de cet amoncellement d’objets hétéroclites, au pied d’un immeuble, dans mon quartier. Une sorte de décharge à ciel ouvert, au cœur de la cité. Toutes sortes d’objets encombrants s’y voyaient abandonnés à leur sort funeste, vieux frigo rouillé, antique canapé défraichi, chaises brisées, étagères vacillantes, planches de bois abimées, téléviseurs, cageots, cartons, caddys, polystyrène, câbles. Rien ne pouvait déloger cet enchevêtrement monstrueux d’objets, telle une masse dégorgeant ses propres boyaux jusqu’au trottoir. Pas même les panneaux stipulant « Dépôt sauvage interdit ». L’excroissance visible depuis la rue ternissait les abords de l’immeuble. A force de passages, on ne s’étonnait même plus de voir cet amas disgracieux s’étendre du parking jusqu’au trottoir, en annexant le misérable rectangle de verdure présent au milieu du béton, jusqu’à l’asphyxie. Dans le dur de la ville, chaque brin d’herbe compte. Et dans la cité où je réside, l’arbre qui se déploie devant la fenêtre de ma chambre, et que je contemple en écrivant, est mon seul véritable luxe. Le soleil fait miroiter les feuilles graciles. Le vent secoue doucement les branchages. Et parfois, un oiseau vient se nicher sur une branche et me gratifie de sa merveilleuse présence. Tout alors est en suspens, et je l’observe jusqu’à ce qu’il s’envole. Alors que je me baladais dans le quartier récemment, je constatais, avec émerveillement, que les encombrants avaient disparu, remplacés par 2 petites parcelles de jardin, entourées d’une fine clôture en bois. A ma grande surprise, je réalisais qu’il ne subsistait aucun détritus ni sac plastique aux environs des jardinets. A l’intérieur des palissades se trouvaient de hauts plans de tomates grimpants sur des structures en bambou, ainsi que des rhubarbes et des fleurs des champs. A l’extérieur, des hautes herbes et des framboisiers bien garnis qui doivent régaler petits et grands. Personne n’a altéré cet espace dédié à la nature. Ces îlots paisibles et étroits cultivés par l’un ou l’autre habitant du quartier pour faire pousser bien plus que des fruits, des fleurs et des légumes. Sur ces fines parcelles de terre, on cultive le vivre-ensemble, le respect de l’autre et de son environnement. Cela demande de la patience et de la ténacité. Mais après un dur labeur pour sauvegarder ces modestes lopins de terre, la plus belle des récoltes est le sourire espiègle des enfants, lorsqu’ils dégustent des tomates chauffées par le soleil ou de délicieuses framboises. Et bientôt ce sont eux qui cultiveront cette parcelle, comme une joyeuse évidence.
© Texte et photo - Aliénor Oval – 15/07/25
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