Reconnaissance


Que connait-on, au fond, de soi-même ? Certes, on s’est vu grandir, sous la lueur ambrée de la tendresse, comme dans la lumière froide de l’absence. Enfant on voudrait déjà être adulte et, lorsque cela advient, on regrette l’âge d’or de nos jeunes années, empruntes d’innocence et d’une espérance intacte. La vie semblait alors un jeu exaltant, sur lequel il nous tardait de déplacer nos pions. Plus tard, le jeu de la vie prend parfois la tournure d’un immense labyrinthe dont on peine à trouver la sortie. Et c’est bien souvent entouré de ses proches que l’on y parvient. Tandis que l’on se forge une carapace pour survivre au monde, on abandonne une certaine naïveté propre à l’enfance, comme un reptile sa peau morte. On se découvre un peu plus dur parfois, surpris en quelque sorte de pouvoir faire l’affront d’un « non ». Doucement, nos rivages s’érodent et dessinent un contour différent aux limites que l’on pose autour de soi. Conscient de l’impermanence de toute chose et, avant tout, de la nature humaine, on oscille entre joies incommensurables, peines profondes et des déceptions d’autant plus grandes que l’on estimait celui qui s’en trouve à l’origine. Dazaï Ozamu écrivait de sa magnifique plume : «  Un adulte, c’est un enfant qui a été trahi ». Sans doute qu’il faut se frotter à certaines aspérités de l’existence pour prendre de l’épaisseur dans son être. Malgré tout, l’essentiel s’avère de garder au fond de soi, son regard d’enfant pur sur le monde et de laisser exulter un imaginaire fécond. L’imaginaire ne cesse de se déployer si on ne le restreint pas. Peut-être faut-il seulement cesser un instant de scroller indéfiniment sur les surfaces lisses de nos écrans et s’allonger dans l’herbe pour rêver en regardant le ciel. La magie est toujours là si on veut bien l’accepter. Et les nuages possèdent toujours des formes de dauphin ou de dinosaure si on regarde bien. Alors on reste le même, l’enfant émerveillé, et on change aussi, en devenant l’adulte plus avisé. On se drape dans notre propre bienveillance que l’on diffuse tout autour de nous, telle une douce chaleur. Libéré, petit à petit, des obligations, des injonctions, on finit par se retrouver et devenir soi-même. Le temps compte double. Vivre n’a jamais eu tant de saveur, car désormais on est capable d’évaluer toute chose à sa juste valeur. Dans le miroir, on se reconnaît à la fois identique et différent du jour précédent. On retrouve un peu de son père ou de sa mère dans le reflet du miroir. Et c’est avec une tendresse véritable qu’on les porte enfin dans un cœur apaisé. Les années qui s’écoulent sont un cadeau inestimable qu’il convient de chérir. Encore plus de temps pour explorer les méandres de notre créativité, pour apprendre, pour aimer. Tout comme on avait découvert, plein d’émotion, le visage de nos nouveau-nés, on découvrira un jour, avec la même curiosité, le visage attendrissant du vieillard que l’on sera devenu. 

© Texte et photo – Aliénor Oval – 02/06/25 


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