Cure me
Seize ans après la sortie
de leur dernier morceau, j’écoute la toute nouvelle chanson de The Cure, Alone.
J’espérais ne pas être déçue, moi qui écoute tant ce groupe, depuis mon
adolescence. Certains groupes, même excellents ne réussissent pas à se
renouveler, à trouver l’inspiration au fil des décennies. Peu parviennent à
garder intacte toute la force de leur musique. Dès les premières notes, je suis
happée par le morceau et sa beauté lancinante. Les paroles me touchent
profondément. La poésie est là. Je me laisse envahir par la nostalgie puissante
et l’esthétique sombre de cette chanson. Je l’écoute en boucle dans le bus qui
me ramène du centre-ville de Nantes, vers mon domicile, et je me revois à 17
ans, écoutant The Cure, dans les mêmes circonstances. Grand gilet noir à la
place de mon manteau noir brodé, mêmes Doc Martens et longue chevelure. Les
images se superposent. Ce temps révolu de mon adolescence dans les années 90 ne
semble soudain pas si loin. Les époques changent mais pas tant les personnes.
On évolue, mais on reste fidèle à soi, pour la plupart d’entre nous. Tout
semble s’aligner, tandis que le bus avance sur un large boulevard. La musique
de The Cure m’imprègne toujours autant. Je me laisse gagner par ce qui les
caractérise : une mélancolie pleine de joie. Une alchimie qu’eux seuls
semblent avoir maitrisé. Ecouter The Cure c’est nourrir son imaginaire d’une
poésie sombre, se laisser gagner par une nostalgie heureuse, pleine d’images
aux couleurs saturées que le temps n’a pas réussi à faire pâlir. Je vois
défiler les immeubles sur fond de ciel bleu, à travers la vitre du bus, tout
comme mes souvenirs de ces mêmes rues que j’arpentais déjà, adolescente, un
walkman dans mon sac et les écouteurs filaires vissés dans mes oreilles,
écoutant les morceaux de The Cure, sur des cassettes enregistrées à la maison.
Je notais sur la jaquette le nom des morceaux et je dessinais des fleurs dans
les interstices, avec mon stylo plume. Retrouver un morceau sur une cassette
était une gageure lorsqu’il fallait la rembobiner ou la faire avancer et s’y
reprendre à plusieurs fois pour tomber exactement au début de la chanson. Aujourd’hui,
j’écoute ma musique avec des Airpods sur des plateformes musicales où je
retrouve tous mes morceaux préférés, depuis mon portable, en quelques secondes
et où je me suis créé des dizaines de playlists, bien loin des cassettes qui
prenaient tant de place pour les stocker. Tout est si simple, désormais. D’un
autre côté, tout s’est tellement accéléré. Il faut aller vite pour tout faire
et gagner du temps sur le plus anodin des actes de notre vie, si on veut suivre
le rythme toujours plus soutenu du quotidien. Il existe plus de possibilités et
plus de contraintes aussi. Cela n’est ni mieux, ni moins bien, c’est tout
simplement différent. Cependant, ce qui ne change pas, c’est l’émotion pure et sincère que nous procure ce qui nous touche vraiment. Alors, au-delà des années
qui s’enchaînent toujours plus vite, de tout ce qui évolue et que l’on ne
maitrise pas forcément, je ne me dis que The Cure porte bien son nom et qu’il
s’agit d’un véritable remède face à la sensation vertigineuse du temps qui
passe, car la musique de The Cure nous fait réaliser que l’on est toujours le
même, lorsque tout change irrémédiablement autour de nous.
© Texte et photo Aliénor
Oval – 14/10/24
Très joli texte où je me retrouve complètement, dans les descriptions minutieuses et les sentiments de nostalgie et d'envie de prendre le temps. Merci Aliénor de mettre des mots justes sur des ressentis profonds !
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