Félicité

 

Retourner sur les pas de l’enfance, sous un soleil clair. Être accueilli par des sourires sincères. Retrouver un lieu familier et déjà lointain, comme un paradis perdu, dont le temps commence seulement à diluer le souvenir. Avec mes enfants, mon beau-fils et mon neveu, nous nous rendons dans la maison qui fut celle de mes parents, durant plus de 30 ans, comme à un pèlerinage. Nous accomplissons l’immuable trajet qui nous amène dans cet endroit reculé, loin de tout, au fond d’un lieu-dit perdu en pleine campagne. Le grand portail se dresse devant nous, lorsque nous arrivons enfin. Nous pénétrons ce sanctuaire où la nature est reine. Le nouveau propriétaire, devenu un ami ainsi que sa femme, nous accueille, accompagné d’un berger d’Anatolie, magnifique, à la stature impressionnante, suivi par un autre chien adorable aux pelage noir et roux et aux yeux bleu clair. Tandis que nous nous saluons gaiement, les chiens réclament des caresses que nous leur prodiguons avec joie. Un berger australien roux et blanc nous rejoint et reçoit les mêmes câlins. Nous avançons sur le doux chemin en pente qui mène vers la maison. Il me semble arriver dans une merveilleuse jungle. Encore plus verdoyante que lors de ma dernière visite. Ma mère avait patiemment rempli ce vaste terrain de fleurs de toutes sortes, en une explosion de couleurs et de senteurs que je retrouve aujourd’hui, avec plus de force encore. Après avoir discuté un moment avec la propriétaire, nous dégringolons vers la forêt, en compagnie de son mari. Je découvre, un peu avant de pénétrer les bois, une grande serre, pleine de beaux légumes épanouis. L’odeur incroyable du basilic emplit mon nez.  Nous poursuivons la descente dans la forêt, jusqu’à la rivière cachée parmi les arbres et les bambous. Au milieu de la rivière trône l’îlot de terre sur lequel nous jouions des jours entiers avec mon frère, nous imaginant sur une île déserte. L’odeur fraîche des fougères est agréable. Ce lieu est si paisible. Nous remontons par un petit chemin vers le reste du jardin et découvrons, avec bonheur, au terme de notre ascension, des poules et des oies qui courent allègrement entre les peupliers et les acacias. Sur le sentier, nous apercevons des mûres et des vignes, puis d’antiques pommiers que je connais bien. Plus loin, sur la partie du jardin la plus proche de la maison, au milieu des arbres fruitiers, là où ne se trouvait autrefois que de la pelouse, d’innombrables fleurs merveilleuses forment un parterre sauvage et extraordinaire, dans lequel s’invitent quelques potirons charnus,  dont l’éclatante couleur orange brille au milieu des énormes feuilles vertes. De grands papillons colorés volent autour des splendides fleurs roses et violettes. C’est magique. Maman aurait été si heureuse de voir son jardin si beau. Le propriétaire me confie qu’il aurait aimé discuter avec maman de fleurs, sujet qui le passionne, tout comme elle jadis. Je les imagine, bras dessus, bras dessous, faisant le tour du jardin, s’extasiant devant les fleurs dont ils parleraient des heures durant. Durant leurs dernières années passées dans leur maison, mes parents ne sortaient plus dans le jardin qu’ils avaient tant aimé, en raison de leur santé défaillante. Le jardin se ranimait lorsque nous venions avec les enfants qui y jouaient avec bonheur, pour se rendormir ensuite dans un long et profond sommeil. Je suis heureuse de voir le jardin plus florissant que jamais s’animer enfin. Après avoir dégusté de délicieuses crêpes tous ensemble, nous nous promettons de nous retrouver ici-même, l’an prochain. Et c’est avec le cœur léger que nous quittons nos amis et reprenons la route, la tête encore pleine de l’odeur des fleurs autour desquels dansent une ribambelle de papillons multicolores.

© Texte Aliénor Oval et photo Maria Oval – 20/08/24

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