Entre mer et fille

 

Comme il faut avoir bon cœur lorsque l’on est parent ! En ce dimanche de fin juillet, alors que la température grimpe dangereusement, je consens à emmener mes chers grands enfants à la plage, alors que je préfèrerais visiter un musée d’art ou écouter un groupe de musique dans un espace ombragé du centre-ville, en sirotant un virgin mojito. Cinquante minutes de route dans la voiture brûlante, dont la clim’ ne fonctionne plus. Durant le trajet qui semble s’éterniser, nous réalisons que nous avons omis de vérifier les horaires de la marée et que nous arriverons en pleine marée basse. La sortie à la plage s’annonce décidément sous les meilleurs auspices. A peine arrivés dans la petite ville balnéaire, je constate que les rues grouillent de vacanciers aux tenues bariolées. Il me faut un moment avant de trouver enfin une place pour me garer. Dès que nous sortons de la voiture, le soleil et la chaleur, que j’évite habituellement, m’assomment. Je débarque sur la plage, la mine austère, vêtue d’une longue jupe noire, d’une chemise noire aux manches extra-longues qui se prolongent par des volants en dentelle de style victorien, un chapeau noir à larges bords et mes Docs Martens, aux talons de 8 cm de haut. J’ai l’air d’une créature de la nuit, mi vampire, mi sorcière, échappée d’une soirée gothique et échouée sur cette plage par on ne sait quel mystère. Je m’apprête à m’élancer ainsi sur la plage, lorsque ma fille me suggère d’ôter au moins mes chaussures, ce qui paraît plutôt pertinent pour marcher dans le sable. La plage est bondée. Nous sommes entourés de familles, allongées sur des serviettes multicolores, dont la peau écrevisse luit sous un soleil écrasant. J’accompagne mon plus jeune fils, Gwendal, au bord de l’eau, vêtue comme je suis arrivée. Il s’enfonce rapidement dans l’eau. J’avance, avec lenteur. Je soulève ma jupe et mouille mes jambes, jusqu’aux genoux. En voulant rattraper mon chapeau que le vent fait chanceler, je laisse retomber le bas de ma jupe dans l’eau, aussi est-il trempé. De jeunes enfants jouent à côté de moi. Ils courent l’un après l’autre, s’arrosent, puis se jettent dans l’eau. Des personnes très diverses se baignent, avec bonheur, dans la mer, des jeunes filles qui s’esclaffent en avançant dans l’eau, des papas qui s’amusent, des mamans attentives, des dames âgées et sportives, de vieux couples à l’air paisible. J’aime les voir ainsi. Heureux simplement dans cette joie estivale de la baignade qui rappelle mille souvenirs d’enfance. Et puis, lorsque les gens sont en maillot de bain, dans la mer, il semble ne plus y avoir de classe sociale, tout le monde est au même niveau, dans une félicité commune. Quant à moi, je retourne vers ma serviette. Ma fille, Maria, et son copain, Louison, partent se promener sur la plage. Je reprends la lecture du roman de Dazai Ozamu, Retour à Tsugaru, un superbe récit de voyage, plein de candeur et de joyeuse nostalgie. Le soleil de plomb me consume. Dans mes vêtements noirs, au milieu de la plage, il me semble cuire, telle une papillote. Je me plonge dans mon livre et je respire l’air frais de Sotogahama, où la pluie se met à tomber. Au loin, j’aperçois Maria qui pose, radieuse, devant l’objectif de Louison, sur les rochers, tandis qu’il me semble être une brindille asséchée par soleil et dépourvue de toute sève. Tous deux me rejoignent, après ce qui semble une éternité. La chaleur étouffante et l’immersion dans une foule, sur une plage en plein été, me confèrent une idée assez nette de l’enfer. Gwendal revient, après une courte baignade, du fait qu’on atteint vite la vase, à marée basse. Ma fille, ma sauveuse, propose d’aller manger une glace et emporte aussitôt mon adhésion. Alors qu’il me semble que le temps s’est arrêté, depuis que nous sommes arrivés, il s’avère que nous ne sommes restés qu’une heure à la plage.  Tandis que je viens de réaliser qu’il nous faudra marcher 20 minutes en plein soleil, sans la moindre possibilité d’ombre, j’avance dans la longue rue qui mène au centre-ville, avec ma jupe trempée qui claque tristement contre mes mollets. Sous le cagnard, nous croisons des hordes de touristes bronzés, en short, débardeurs, et tongs, visiblement heureux de leur sort, alors qu’il me semble, en cet instant, traverser le désert et que je rationne le peu d’eau qui subsiste dans ma gourde. Je rêve d’ombre et de solitude. Comme il serait bon d’être dans ma chambre en train d’écrire, ravie de voir que le soleil brille dehors à travers mes volets mi-clos, entourés par mes chats qui savent apprécier autant que moi la fraîcheur de ma chambre. Mais il ne s’agit là que d’un mirage et il me faut continue d’avancer, inlassablement. La rue, qui regroupe les principaux commerces, fourmille de monde. Après une brève exploration de notre environnement, je me retrouve à patienter durant 10 minutes, sous un soleil impitoyable, afin d’acheter des chichis à mon fils. Nous récupérons finalement un cornet rempli par 12 chichis, aussi gras que la peau suintante de crème solaire des vacanciers présents tout autour de nous. Partout c’est une surenchère de frites, de glaces, de beignets, de crêpes, de gaufres et granités aux couleurs acides. Bien qu’il m’en coûte, je me retrouve ensuite à patienter, à nouveau, durant plus de 20 minutes, dans la vaste file d’attente pour les glaces, en me posant des questions existentielles et en me demandant comment j’ai pu en arriver là. La chaleur est à son paroxysme. La sueur coule le long de mon dos. J’ai l’impression d’être dans un cuiseur vapeur. Nous dégustons nos glaces sur le chemin du retour qui me paraît interminable. Il me tarde d’arriver à la voiture. Durant le trajet retour, l’air frais qui circule par les fenêtres ouvertes est une bénédiction et la phrase qui dit que ce qui compte c’est le voyage, pas la destination, me semble plus vraie que jamais. Et si on me propose une prochaine sortie à la plage, ce sera selon mes règles, balade au crépuscule sur une plage désertée et baignade au clair de lune !

Mais bon, après tout, cela n’est que mon ressenti… Ma fille, Maria, a sans doute un point de vue différent.

Aliénor Oval

Une journée, enfin, un bout d'après-midi à la plage, avec maman, mon copain et mon petit frère. Ce type de sortie se fait de plus en plus rare et toujours de courte durée, à cause des fortes températures que personne ne peut supporter. Nous partons au pire moment de la journée, c'est-à-dire au moment le plus chaud et le plus étouffant. Dans la voiture, avec les fenêtres grandes ouvertes, je profite du vent qui caresse mon visage, des beaux paysages qui me font rêver. A quelques minutes de la plage, je suis pressée de voir la mer, avec tous les beaux coquillages qui s’y trouvent, car celle-ci est réputée pour être l’une des plus belles plages du département. La désillusion est collective dans la voiture, nous voyons une horde de voitures et aucune place de parking pour nous. Les places se font rares voire inexistantes, la plage que nous convoitons nous échappe de plus en plus. Après un court instant, nous arrivons sur une autre plage pas terrible, cependant le soleil est avec nous, même sous cette chaleur, nous pouvons sentir la brise du vent. Mon petit frère s’empresse de se baigner, quant à moi, je reste sur ma serviette avec mon copain pour surveiller les affaires. Au retour de maman, je pars me balader avec mon amoureux, je trempe mes pieds pour profiter de la sensation de l’eau, de sa fraîcheur, je la trouve trop froide pour me baigner entièrement. Je remarque juste à côté de moi, sur ma gauche, un petit coin avec des rochers, je saisis cette opportunité pour me prendre en photo avec mon copain et prendre en photo le paysage qui m’entoure. Pendant ce petit instant isolé de tous, je trouve finalement que cette plage s’embellit et a du charme. De retour auprès du reste de la famille, je propose d’aller manger une petite glace, le centre se trouve à 20 min à pied, cela ne me dérange pas de marcher, j’aime bien cela, cependant maman, avec sa tenue recouvrant chaque millimètre de sa peau, habillée en noir, est blasée, avant même que cela ne commence. Je l’entends, pendant la marche, me demander à plusieurs reprises si nous sommes encore loin de notre destination et me dire qu’elle a chaud. Nous voyons à la longue file que nous ne sommes pas les seules à vouloir une glace. Une discussion se fait pour savoir ce que nous devons faire, glace, chichi, praline, trop d’interrogations pour nous. Finalement, nous achetons tout. Sur le chemin retour, sous le soleil qui fait fondre nos glaces en un rien de temps, maman et mon petit frère, préfèrent finir leurs glaces assis, moi voulant marcher avec mon petit ami, nous poursuivons notre route, je savoure ma glace en observant la mer et le soleil qui se reflète dessus. Durant la marche, j’observe ma glace au cassis qui coule sur ma belle robe verte. J’arrive à la voiture, avec mon vêtement taché, mais je repense à ce moment passé avec la famille qui m’a tant fait sourire et rire, tout était réuni pour que ce soit une magnifique journée. J’ai hâte de voir nos futures sorties à la plage.

Maria Oval

© Textes Aliénor Oval et Maria Oval –  Montage photo Louison Jordan – le 5/08/24

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