Pâques

 


Le paysage défile à grande vitesse. Dans le train, je suis assise dans le sens inverse de la marche. Hier soir, lors d’un passage éclair au magasin, je découvre des stands entiers d’œufs de Pâques en tous genres. Je m’arrête un instant et m’interroge. Une envie me prend d’acheter des œufs en chocolat pour les enfants. J’ignore pourquoi. Une vague nostalgie peut-être. Je les revois partir en courant dans le jardin de leur grand-mère, à la recherche des précieux œufs de Pâques. Parfois, ma mère oubliait l’endroit où elle les avait cachés, ce qui corsait quelque peu la chasse aux œufs. J’essaie de joindre mon fils ainé. Pas de réponse. Une foule dense parcourt les allées du rayon des chocolats de Pâques. J’hésite. Et puis je me souviens que mon « petit » dernier va avoir 16 ans et qu’il est chez son père, ce week-end. Quant aux grands, dont l’ainé approche la trentaine, je ne pense pas qu’ils s’attendent réellement à se voir offrir des œufs en chocolat. 

Le train m’apaise. Je me souviens des moments magiques où nous prenions le train-couchette, avec mon frère, ma mère, et parfois mon père, afin de nous rendre à Toulon, pour visiter ma tante Noëlle. Passer une nuit entière dans le train relevait de l’exceptionnel et j’en savourais chaque instant. Je manœuvrais dans le but d’obtenir la couchette du haut qui offrait plus d’espace et permettait d’oublier la présence des autres et de se concentrer exclusivement sur le bruit du train. Avant de rejoindre nos couchettes, nous discutions joyeusement, avec les autres passagers, en dégustant nos sandwichs préparés par maman et nos chips. Une fois allongés dans la couchette, il suffisait de se laisser bercer par le roulement et la mélodie du train. Nous traversions la France, pendant la nuit, et arrivions, au petit matin, à Toulon. Mon frère et moi nous précipitions dans le couloir pour observer le paysage et surtout ne pas rater le moment merveilleux où la rade de Toulon, avec sa mer azurée, nous apparaitrait enfin, au détour d’une colline. Noëlle nous attendait à la gare, émue et ravie. Maman, en chemisier à madras de couleurs vives et papa, en costume de flanelle beige, embrassaient Noëlle. Puis venait le petit-déjeuner tant attendu, à la terrasse ensoleillée d’un café. J’avalais un croissant dont l’extérieur croustillait, tandis que son cœur onctueux laissait sur la langue un bon goût de beurre, tout en buvant un délicieux chocolat chaud. Nous nous engouffrions, ensuite, dans la 2CV de ma tante qui nous conduisait à la plage du Mourillon, en écoutant les Bee-Gees. A peine arrivés, mon frère et moi nous élancions dans l’eau translucide. J’ai tant aimé ces voyages en train, presque clandestins dans mes yeux d’enfant, comme ils se déroulaient de nuit, à l’insu du reste du monde. 

Assise dans le train qui me conduit vers Paris, je vois le paysage défiler au fur et à mesure que nous le dépassons. Et j’ai la certitude que, quelle que soit ma destination, un train me ramènera toujours vers mon enfance. 


© Texte Aliénor Oval et photo Maria Oval – le 1/04/24


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