Le buffet
J’ai ramassé la photo tombée de mon portefeuille et, pendant un instant, le visage d’un bébé blond, aux yeux bleus, m’a paru étranger, jusqu’à ce que j’y devine les traits de mon fils.
Tout bébé, quand je te
regardais, ma vue se brouillait, je te voyais flou, incapable de tisser le lien
entre nous. On ne construit pas grand chose sous les coups.
Même lorsque tu étais au
creux de mes bras, ça tombait. Alors, on est devenu un meuble plaqué au mur,
maman-buffet et bébé-tiroir.
Pas bouger, pas parler,
pas déranger, pleurer en silence, respirer à peine, et puis, un jour, s’enfuir
pour ne pas crever, redécouvrir la douceur fracassante du peau à peau, te
sourire, enfin, et chialer parce que c’est trop beau.
Je ne pourrai jamais rattraper
tes six premiers mois d’inexistence.
A sept ans, tu es comme
moi, un doux rêveur, souvent dans la lune, tu palpes l’invisible, sans crainte.
Le soir, quand je te
borde, mains jointes, on mime le coucher de soleil, tu éclates de rire, tu te
jettes à mon cou, m’enlaces, et lorsque tu murmures « je t’aime,
maman », je me dis que le buffet, ça prend une belle patine avec le temps.
© Texte et photo - Aliénor
Oval – 8 MARS 2024
POUR LA JOURNEE DES DROITS
DES FEMMES
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