Entre les gouttes
Des
allées et venues, un ballet merveilleux. Tous ces gens qui dansent, sans même
le savoir, beaux dans leur fragilité, leur détermination, leurs hésitations ou
leur confiance. Le visage du vieil homme qui passe à côté de moi est transfiguré
par le sourire qui l’illumine. Ses yeux brillent d’une joie enfantine. Il se
presse vers une destination qui ne peut être qu’une rencontre. Il avance avec
la certitude de l’autre, dans cette gare qui fourmille de monde. Tous ces
inconnus, anonymes, et pourtant, je me reconnais en chacun. Aucun ne m’est
étranger. L’enfant espiègle, l’adolescent trop las, la femme songeuse, l’homme
pressé, le vieillard fatigué. Les émotions ondulent, comme des vagues, passant d’un
visage à l’autre. Je les saisis pour l’instant qu’elles durent, à la fois
fugace et éternel. Puis, je les garde en moi, tels des fragments d’humanité, rangés
dans de petites boîtes, recouvertes de papier crépon coloré, qui s’ouvrent comme
des fleurs, sous la rosée du matin.
Sur
le siège, à côté du mien, se trouve un homme aux cheveux grisonnants, le visage
creusé par des sillons pleins de soleil, une lèvre supérieure en flanc de
colline, sur laquelle se dresse une crète qui s’étend jusqu’au nez, abrupte telle
une falaise. Il sent la terre humide, les feuilles mouillées, la mousse tendre.
En un instant, je me retrouve dans les sous-bois, un jour de pluie. Du haut de
mes neuf ans, je cours dans la forêt, en longeant le ruisseau qui la traverse. Les
gouttes de pluie qui tombent, sur les feuilles des arbres immenses, forment la
plus incroyable musique. Au milieu des arbres, on n’est jamais seul. Et la
magie de l’enfance ne s’évapore pas tout à fait. Au milieu des hommes, on
attrape des bouts d’humanité, comme des papillons en plein vol, puis on ne sait
trop quoi en faire, alors on les relâche pour qu’ils s’envolent haut vers le ciel.
©
Texte et photo -Aliénor Oval – 4/03/24
J'ai beaucoup aimé lire ce texte que j'ai trouvé très poétique. Je vais tester l'expérience lors de mon prochain bain de foule ! Merci Aliénor !
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