Retour de lecture sur La déchéance d’un homme de Dazaï Osamu
Yôzô grandit dans une famille japonaise aisée. Son père est un homme d’affaire puissant. Effrayé par les hommes, il décide de se comporter sans cesse en bouffon, comme il l’affirme lui-même, afin de masquer sa peur et de tenir les autres à distance de sa véritable nature. Il semble étranger au monde dont il ne comprend pas les codes. Les autres rient de bon cœur devant ses facéties, dont ils raffolent, mais au fond, Yôzô souffre et porte sur lui-même un regard lucide d’une implacable sévérité. Il vit dans la peur constante d’être démasqué. Maladif, il souffre de fréquentes insomnies. Sa rencontre avec Horiki, lorsqu’il étudie au lycée supérieur, le conduit à une vie de débauche et scelle son triste destin. Il prend vite goût au saké et délaisse ses études et la pratique du dessin et de la peinture qu’il affectionne, pour céder à toutes les tentations. Les femmes l’aiment trop et cela ne lui portera pas chance. Il vit une vie de souffrance, détaché du monde. Au fur et à mesure de son parcours, la honte toujours plus monstrueuse s’abat sur lui. Il écrit les carnets dans lesquels il raconte sa terrible déchéance, à l’âge de 27 ans, brisé.
L’histoire de Yôzô, appelé tendrement Yô-tchan par ses
proches, surprend par son approche du monde si particulière, et son désespoir
sincère et poignant, même s’il nous tient à distance, nous aussi, lecteurs, en
ne nous cachant rien de sa faiblesse, de ses échecs successifs et en ne
cherchant, en aucune façon, la sympathie. La déchéance est inéluctable et
Yô-tchan fait le récit de sa vie, avec un détachement qui peut troubler, au
début, pour mieux encore nous saisir, ensuite.
L’écriture est fluide et efficace. Il est bien
difficile de s’écarter du récit, pour faire une pause. A trois reprises, au
cours de ma lecture, j’ai été frappée par la beauté d’une phrase en état de
grâce. Il en est ainsi de la toute dernière phrase du livre qui éclaire le
récit d’une manière nouvelle.
J’avais déjà découvert l’histoire de Yô-tchan, un peu
remaniée, à travers une animation de Junji Ito et, même si j’aime infiniment
l’œuvre du maître du manga d’horreur, j’ai été plus émue par l’œuvre originale
de Dazaï Osamu. Ce dernier a connu les affres de la maladie et de l’addiction à
l’alcool et à la morphine, avant de mettre fin à ses jours, à 39 ans.
Je vous invite à découvrir ce livre féroce et puissant
qui saura vous toucher, j’en suis sûre.
©Texte et photo Aliénor Oval -27/11/2023
La déchéance d’un homme
De Dazaï Osamu
Editions Gallimard Unesco
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